Avant de décider de partir faire le GR10, pour une durée approximative de 2 mois de marche (au départ…), Florian et moi n’avions pas une très grande expérience de la randonnée sur plusieurs jours et encore moins sur plusieurs semaines.
La plus longue randonnée que j’avais faite était une traversée de la Chartreuse en partant de Chambéry jusqu’à Grenoble, soit 3 jours et 70 km, en passant par des refuges, gîtes et hôtels. Et avec Florian nous avions fais une boucle de 2 jours dans les Pyrénées en automne et dans la neige avec une nuit en refuge non-gardé. Nous étions en revanche très friand de randonnées à la journée, et de bons marcheurs en général.
Il était donc indispensable de se préparer soigneusement pour cette grande expédition, et d’essayer de penser à tout ce que nous ne savions pas encore. Pour cela nous avons lu de nombreux blogs, des livres, on a épluché le site GR10.fr avec grand soin, discuté avec des personnes expérimentés, parcourus des forums… Et nous avons un peu étoffé notre expérience de randonneur sur le terrain.
La préparation totale du voyage nous a pris un peu plus de 6 mois, entre décembre 2021 et juin 2022. Pas à temps plein bien sur. Nous y avons passé au moins la moitié de nos week-ends et de nos soirées (parfois jusqu’au bout de la nuit) pour venir à bout de nos préparatifs.
Voici la façon dont nous nous y sommes pris pour préparer les différents aspects de notre voyage, les problématiques rencontrées et les enseignements tirés.
Toutes ces démarches ont été faite avec comme objectifs:
- ne pas être contraint de revenir à la civilisation trop régulièrement (autonomie de 5 jours environ)
- pouvoir marcher jusqu’au bout du GR10
- pouvoir faire des détours et des ascensions de pic
- pouvoir profiter des paysages et de l’aventure
📍 Le trajet
Le fond de carte et les traces GPS
Le GR10 c’est plus de 900 km de marche à travers la montagne et 45km de dénivelé. Le chemin croise de nombreux villages, quelques villes, des refuges. Il est balisé tout le long, cependant il reste plus prudent de se munir d’une carte topographique ou des guides, avec une bonne vieille boussole. Avoir la trace GPS ainsi que le fond de carte téléchargés pour être dispo hors ligne est le plus simple à utiliser. Pour les sentiers non-balisés et les itinéraires hors-sentiers (ascension de col, HRP, …) une topographie détaillée (exemple ici) du trajet, des difficultés, avec des photos, des dessins, etc. est à mon sens indispensable si on ne connaît pas le coin !
Petit bonus: on a mis les fonds de cartes et les itinéraires sur nos montres.
Ça peut sembler un peu overkill, on a quand même la carte et l’itinéraire en 5 exemplaires (2 téléphones, 2 montres, 1 carte). Cependant, nous gardons en tête que les appareils électroniques ont leurs limites (les batteries, la fragilité) et qu’une carte papier a également des limites (s’abîme, moins précise, pas de localisation intégrée, pas d’itinéraire dynamique) donc pour une longue durée, c’est rassurant. Et hormis la carte ça ne pèse rien.
Les waypoints
Le fond de carte et la trace, c’est fait. L’étape suivante c’est de savoir ce qu’on va rencontrer sur la route – et ce qu’on a intérêt à rencontrer sur la route. L’intérêt ici était de savoir où on va pouvoir dormir, où on va pouvoir manger, boire, se ravitailler, mais aussi où s’abriter en cas de mauvais temps, chercher du secours, rejoindre une grande ville, faire un détour, etc.
Vous pouvez retrouver la liste des types de points et d’autres infos sur l’itinéraire dans cet article !
🎒 Le matériel
Constituer sa base de matériel pour une randonnée longue durée en bivouac est une longue réflexion pleine de craintes. Pour partir aussi longtemps, il nous a très vite semblé évident qu’il fallait se tourner vers la marche ultra-légère (ou MUL pour les intimes). La bible de la MUL c’est le site et le forum randonner-léger. Cela veut dire se dépouiller d’un maximum de confort matériel sans mettre en danger sa sécurité et en gagnant en confort de marche.
Retrouvez ici la liste de notre matériel.
En plus du stuff de randonnée-bivouac classique, il a fallu aussi songer à ce dont on allait avoir besoin sur une période aussi longue.
L’hygiène
Pour quelques jours, c’est possible d’être peu regardant, mais sur plusieurs semaines, mal se laver ou mal laver ses vêtements peut entraîner des problèmes d’irritations ou des maladies, et ainsi compromettre sérieusement le plaisir de la randonnée.
Donc niveau santé il y a une nécessité à s’entretenir ainsi que son matériel, mais il y a aussi la notion de confort qui entre en jeu. Et ça c’est très subjectif.
Certains ne pourront pas se passer de crème apaisante pour les piqûres de moustique quand d’autres pourront s’y faire. Certains se laveront intégralement tous les jours malgré l’eau glacé, d’autres se contenteront de toilettes superficielles et d’un bain dans un lac de temps en temps.
Pour limiter au maximum le poids, on a opté pour le savon d’Alep pour se laver les dents, faire la vaisselle et la lessive (naturel, biodégradable, sans goût et sans odeur particulière), une bassine pour éviter de polluer les cours d’eau en faisant la vaisselle ou la toilette, et des éponges luffah légères et biodégradable.
Pour les filles, difficile de couper aux protections hygiéniques. Pour la cup, attention à être sûr de pouvoir la désinfecter. Pour les protections jetables, il faut évidemment les promener jusqu’à trouver une poubelle. Les serviettes/culottes lavables sont lourdes. Je n’ai pas de solutions éprouvée pour l’instant.
Le ravitaillement
La nourriture en rando mérite à elle-seule les innombrables articles qu’on peut trouver sur internet ! Je vous partage quand même notre nourriture pour 5 jours en autonomie.
La difficulté pour se ravitailler sur plusieurs semaines était de réfléchir à de la nourriture qui n’est pas trop envahissante: un paquet de 1kg de farine, une bouteille en verre ou un sachet non-refermable peuvent être des grosses gênes en terme de poids ou de praticité.
Repérer au préalable le type de nourriture à acheter et les quantités à prévoir pour X jours permettent de s’éviter d’acheter trop ou pas assez, et optimiser le poids porté. (Pour les détails c’est dans notre liste de nourriture)
Il faut aussi se ravitailler en cartouche de gaz, comprimés de purification, médicaments, briquet, crème solaire, PQ biodégradable… Pour tout ces objets assez spécifiques, on a prévu des postes restantes en cours de route (puisque c’était possible). On est sûr d’avoir la bonne quantité au bon moment.
L’électronique
Entre les montres, les téléphones, la Go Pro, il s’est vite avéré qu’on allait avoir besoin d’un moyen de recharger tout ça au fur et à mesure car on ne croise pas une prise électrique tous les trois jours. L’option la plus simple et nous permettant de garder un maximum d’autonomie a été le combo panneau solaire + batterie. Bien sur cela nous rend dépendant du soleil mais c’est un risque que l’on accepte de prendre en plein été.
🏃♀️ La préparation physique et mentale
Pour se préparer physiquement, il y a encore une fois plein de conseils sur internet, tous très pertinents. Il faut trouver ce qui s’adapte le mieux à sa propre condition physique. L’essentiel pour nous a été d’être réguliers dans notre pratique sportive et de manger correctement. On a fait de la randonnée au moins un week-end sur deux ainsi que du vélo. Et ce n’était pas exprès pour la rando mais Florian a aussi perdu plus de 30kg en un an.
Étant sur Paris, on a tellement fait les 25 bosses que c’en est ennuyant.
On a été très progressif dans notre appréhension de la randonnée sur plusieurs jours, et on a chercher à tester ce que nous avions appris dans nos recherches.
- On a commencé par une randonnée de 4 jours sur la côte bretonne (GR34), en allant de gîte en gîte, pour se préoccuper uniquement de notre corps et connaître nos limites, commencer à optimiser le sac, noter les problématiques liés à la rando sur plusieurs jours. Et aussi, de savoir si ça nous plaisait vraiment.
On a aussi déconstruit des idées qu’on pouvait avoir. Par exemple, j’ai réalisé l’importance des bâtons de marche après ma rando à Grenoble: la dernière étape faisait 30km et 2000m de dénivelé, pour la première fois de ma vie je me suis blessée sérieusement ! Pas de chute ni de heurt, je n’avais juste pas réalisé à quel point les genoux sont fragiles surtout avec un gros sac et après 2000m de D-. J’ai fini ma rando en boitant. Résultat 6 mois de kiné et je suis probablement fragilisée pour le reste de ma vie. Sans doute que si j’avais eu des bâtons ce jour-là le mal aurait été bien moindre.
- Puis après quelques semaines d’entraînement, on a fait 5 jours autour du lac d’Annecy, en bivouac cette fois-ci et dans les montagnes, afin d’être au plus proche des conditions de notre traversée. Cela nous a permis de tester la totalité de notre matériel et notre organisation, et en tirer des enseignements.
On s’est par exemple rendu compte que nos étapes étaient trop longues et qu’on avait négligé le temps occupé par l’entretien de nos corps et du matériel sur une journée de marche.
Rien ne m’a mieux préparé et rassuré que de pratiquer !
🤕 Préparer les imprévus
On ne peut pas tout prévoir, et heureusement car c’est aussi ça qui fait le piment de la grande randonnée. Le but ici a été de faciliter l’affrontement des imprévus en limitant au maximum la mise en danger.
La préparation du trajet
On a déjà abordé une partie de ces éléments:
- repérer les ravitos et les points d’eau et prévoir une marge d’erreur
- repérer les issues de secours (itinéraires alternatifs, bus, train, villes, …)
- repérer les abris en cas d’intempéries, de fatigue
- repérer les zones dangereuses sur le trajet (propice à la neige/névés tardifs, passage délicat) et prévoir un itinéraire alternatif
Les anges gardiens
On a désigné personnellement une ou deux personnes qui disposent de toutes les informations sur notre trajet (coucou papa, maman). Ce sont les personnes que l’on va tenir au courant en priorité et par tous les moyens de notre progression, pour qu’ils soient en mesure de donner l’alerte s’il nous arrive quelque chose.
Pourquoi juste une ou deux personnes et pas un groupe d’ami par exemple ? A cause de l’effet du témoin qui peut provoquer une diffusion du sentiment de responsabilité devant une situation d’urgence.
L’assurance
On a découvert ça assez tard mais on est pas forcément assuré soi-même pour les accidents en montagne ! L’assurance responsabilité civile couvre les dégâts infligés aux autres mais si on se blesse ou qu’on se fait héliporter, ça peut être pour notre poche ! Alors on a prit un RandoPass délivré par la FFRandonnée, qui assure les dommages matériels, immatériels, atteinte à l’environnement, rapatriement, mais aussi invalidité, décès, etc…
Cela fait partie des documents que l’on a partagé avec nos anges gardiens.
Même si, évidemment, on ne se souhaite pas un quelconque malheur, il peut être bon de préparer ses dernières volontés et les transmettre à une personne de confiance (qui n’a pas besoin de les lire tant que tout va bien, hein).
Conclusion
Tous les conseils du monde ne valent pas sa propre expérience. Dans notre vie super-connectée on voit beaucoup de gens qui font des choses incroyables. En préparant notre expédition, j’ai lu beaucoup de récits de trek, j’ai vu beaucoup de photos sur les réseaux sociaux, et souvent j’ai eu cette impression que la personne avait décidé le matin même de partir. Alors que c’est souvent le résultat de longs mois voir d’années de préparation, d’entraînement, de progression, de ratés, d’apprentissage. C’est facile de l’oublier ! Et on se sent parfois incapable d’en faire autant. Et pourtant 🙂
—–
On a sans doute pas pensé à tout. Quand je relirai cet article en rentrant de randonnée j’aurais beaucoup de choses à ajouter, modifier, supprimer.
Allez, on se revoit en septembre !